Une requête peu commune de la part de Bruno Le Maire. Le ministre de l’Economie a demandé au Conseil d’Etat de trouver une solution pour raccourcir “de quelques années” la durée de certaines concessions des sociétés autoroutières, qui ont été plus rentables que prévu. Bruno Le Maire a reconnu devant les commissions des Finances et du Développement durable de l’Assemblée nationale, mercredi 22 mars, que les calculs faits à l’époque de la privatisation des autoroutes (en 2006) n’avaient “pas été bons”.
Des calculs de rentabilité défavorables à l’Etat
Les taux d’intérêt ayant fortement baissé, les sociétés concessionnaires, comme Vinci, Eiffage ou Abertis, ont pu rembourser leur mise à meilleur coût. Elles ont pu dès lors améliorer leur rentabilité, alors que les tarifs des péages continuaient d’augmenter régulièrement, conformément aux contrats conclus avec l’Etat. Bruno Le Maire remarque cependant que la remontée des taux d’intérêt actuelle va sans doute obliger à refaire les calculs.
“Nous nous sommes trompés”, a-t-il ajouté. Le ministre de l’Economie veut “éviter toute rente” et envisage de “raccourcir la durée des concessions (…) de quelques années”.
Une voie “juridiquement la plus solide”
Le ministre de l’Economie, Bruno Le Maire, estime que la réduction de la durée des concessions est “la voie qui nous paraît juridiquement la plus solide et économiquement la plus prometteuse”. Le gouvernement a donc demandé au Conseil d’Etat de trouver une solution pour y parvenir.
Le rapport de l’Inspection générale des finances de février 2021 –récemment retrouvé par Le Canard enchaîné–, pointe les profits réalisés par ASF-Escota (Vinci) et AREE-Area (Eiffage), et évoque la possibilité d’une réduction des tarifs de leurs péages de presque 60% pour “réaligner (leur) rentabilité” avec ce qui était prévu en 2006.
Des risques pour l’Etat
Le rapport envisage une fin anticipée des concessions au 30 avril 2026 pour ASF et Escota, soit un raccourcissement de respectivement dix ans et cinq ans et demi, et au 30 septembre 2026 pour APRR et Area, soit un raccourcissement de neuf et dix ans.
Cependant, le document ne juge “légalement envisageable” qu’un raccourcissement des durées des concessions, ce qui selon ses auteurs “suppose une volonté politique forte et aurait pour conséquence une détérioration des relations entre l’Etat et les SCA”, les sociétés concessionnaires d’autoroutes.
L’Etat courrait “le risque que le juge considère la rentabilité des concessions comme raisonnable et leur résiliation anticipée comme entraînant un droit à indemnité”, précise le rapport.
Le ministre délégué aux Transports, Clément Beaune, a également noté que les juristes du Palais Royal devraient étudier “toutes les options fiscales”, le gouvernement ayant l’intention de mettre les sociétés autoroutières à contribution pour financer l’effort annoncé sur le rail.
Les deux ministres ont également exprimé leur préférence pour une reconduction du modèle actuel des concessions, certes aménagé, rejetant toute renationalisation des autoroutes qui selon Bruno Le Maire, coûterait entre 40 et 50 milliards d’euros au contribuable.
Des contrats plus courts et révisables
Pour éviter une rente des sociétés concessionnaires, Bruno Le Maire envisage également que les nouveaux contrats soient plus courts, et comprennent “une clause de révision des tarifs des péages en fonction du niveau de rentabilité”.
Il estime que cela permettrait d’adapter les tarifs à la réalité économique et de mieux contrôler la rentabilité de ces concessions, sans pour autant remettre en cause le modèle économique de la privatisation des autoroutes.
Un enjeu important pour l’Etat
La réduction de la durée des concessions autoroutières est un enjeu important pour l’Etat, qui souhaite réduire la rentabilité excessive de ces sociétés et récupérer une partie des bénéfices pour financer les investissements dans les infrastructures de transport, notamment sur le rail.
Cependant, cette démarche n’est pas sans risques pour l’Etat, qui doit faire preuve d’une grande prudence juridique et économique pour ne pas se mettre à dos les sociétés concessionnaires et éviter des indemnisations coûteuses.
Le Conseil d’Etat devrait rendre son avis dans les prochains mois, permettant ainsi au gouvernement de décider des mesures à prendre pour réduire la durée des concessions autoroutières et mieux contrôler la rentabilité de ces infrastructures stratégiques pour l’économie du pays.
Ce qu’il faut retenir : Le ministre de l’Economie, Bruno Le Maire, a demandé au Conseil d’Etat de trouver une solution pour raccourcir “de quelques années” la durée de certaines concessions des sociétés autoroutières, qui ont été plus rentables que prévu. Les calculs faits lors de la privatisation des autoroutes en 2006 n’avaient “pas été bons”, reconnaît le ministre. La réduction de la durée des concessions est “la voie qui nous paraît juridiquement la plus solide et économiquement la plus prometteuse”, estime-t-il. Cette démarche n’est pas sans risques pour l’Etat, qui doit faire preuve de prudence juridique et économique pour éviter des indemnisations coûteuses.
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