Et si l’âge de départ à la retraite devenait une variable d’ajustement budgétaire ? L’idée paraît brutale, voire impensable, mais elle a pourtant été avancée, de manière détournée, par le président du Medef. En prenant l’exemple du Danemark, où la réforme des retraites prévoit un passage à 70 ans pour préserver les finances publiques, Patrick Martin laisse entendre que la France pourrait, elle aussi, être contrainte de faire un choix similaire. Une comparaison qui interroge autant qu’elle inquiète.
Le cas danois : un modèle transposable ?
Au Danemark, l’évolution de l’âge de départ à la retraite est une mécanique bien huilée. Dès 2006, un accord a été mis en place pour adapter progressivement cet âge à l’espérance de vie. Ce n’est donc pas une décision de dernière minute liée à un besoin soudain de financement militaire, mais un processus anticipé de longue date. Pourtant, la coïncidence entre le vote prochain des élus danois sur la retraite à 70 ans et l’annonce d’un plan massif de réarmement alimente le débat.
En France, la réforme des retraites a déjà soulevé une contestation sociale sans précédent. Imaginer un relèvement supplémentaire de l’âge légal serait explosif. D’autant que les conditions de travail et la pénibilité varient fortement entre les deux pays. Avec un des taux d’emploi des seniors les plus élevés d’Europe, le Danemark s’appuie sur une dynamique de marché du travail bien différente. En comparaison, la France peine encore à maintenir en poste les travailleurs de plus de 55 ans.
Un faux consensus et une réalité sociale ignorée
Patrick Martin parle d’une « conscience partagée » au Danemark sur la nécessité de ces mesures. Mais cette lecture est biaisée. Les syndicats danois alertent sur les conséquences d’un passage à 70 ans, évoquant des risques accrus de burn-out et une dégradation du niveau de vie des plus fragiles. Le plus grand syndicat du pays s’oppose même ouvertement à cette réforme, exigeant des aménagements pour ceux qui ne pourront pas travailler plus longtemps.
Économie de guerre: "Le Danemark a décidé de reporter à 70 ans l'âge de départ à la retraite pour que l'économie finance l'effort de guerre", dit Patrick Martin (@PatrickMartin_1), président du MEDEF#ApollineMatin pic.twitter.com/MiniEqbJ9p
— RMC (@RMCInfo) March 4, 2025
En France, la question d’une retraite à 70 ans soulève une problématique encore plus profonde : celle du chômage des seniors. Avant d’allonger la durée de travail, encore faudrait-il que les entreprises embauchent et conservent leurs employés les plus âgés. Sans cela, le report de l’âge légal ne ferait qu’accroître la précarité et la pression sur les allocations chômage.
Une réforme envisageable en France ?
L’argument budgétaire avancé par le Medef repose sur une idée simple : face à des besoins croissants en matière de défense, il faudrait trouver de nouvelles marges de manœuvre. Mais si l’effort financier est une réalité, faire peser ce poids sur les travailleurs n’est ni une fatalité ni une solution efficace. La retraite en France est déjà un sujet hautement inflammable, et toute tentative de la repousser davantage risque de provoquer une fracture sociale encore plus grande.
Derrière la comparaison avec le Danemark se cache en réalité une vision biaisée et incomplète de la situation. La viabilité du système de retraite ne se résume pas à une simple question d’âge, mais à une gestion globale du marché du travail, des salaires et des cotisations. Faire peser l’effort sur les seuls actifs serait une décision aussi risquée qu’impopulaire.
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